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Généralement, chacun s’habille selon ses goûts, influencé par la mode certes, mais aussi en fonction de ses moyens. Chacun préfère aussi porter des vêtements adaptés à sa taille. Cette réalité de la vie courante semble s’appliquer au rapport des PME à l’engagement environnemental.
par Makara MOM, Gisèle KOUAMÉ-MIDA et Nicolas FELX, avec la collaboration d’Anne-Marie PICHETTE et de François LABELLE
À l’heure où l’engagement en matière de gestion environnementale est devenu incontournable, endosser le vert serait-il une affaire de taille ? L’enquête des chercheurs Stephen Brammer, Stefan Hoejmose et Kerry Marchant, tous trois rattachés au Centre for Business Organisations and Society de l’Université de Bath (Royaume-Uni), indique que petites organisations et moyennes entreprises suivent la tendance environnementale avec un intérêt différent.
Pour mieux saisir les goûts et les couleurs en cette matière, les pratiques de 102 PME britanniques à fort impact environnemental ont été étudiées. Si les pratiques de gestion environnementale les plus répandues sont à peu près les mêmes pour les PE (moins de 100 employés) et les ME (100 à 250 employés), la qualité de l’implication diffère. De façon générale, les ME du Royaume-Uni investissent plus que les PE dans la gestion de l’environnement, surtout dans ses aspects organisationnels et de marketing.
Un uniforme vert offert en une seule taille
Le professeur Brammer et ses collègues confirment ainsi l’hétérogénéité des PME britanniques en matière de gestion environnementale. Or si aucun magasin à la recherche d’une clientèle variée ne songerait à vendre uniquement des vêtements de taille unique, en matière de règlementation environnementale et d’incitatifs divers, c’est pourtant la réalité vécue par les PME britanniques qui se voient toutes, indifféremment, traitées comme des grandes entreprises.
La question se pose : à quand une promotion gouvernementale de la gestion environnementale qui se soucie vraiment des particularités et des conditions d’opération des PME ? Il y a fort à parier que les organisations britanniques se trouveraient fort intéressées par des déclinaisons variées plutôt que l’uniforme vert standard aujourd’hui disponible.
Cet uniforme, taillé sur mesure pour les grandes organisations qui possèdent marge de manoeuvre financière, personnels spécialisés et économies d’échelle, convient rarement aux PME. C’est que l’adhésion aux pratiques environnementales demeure plus qu’une question de ressources financières. Dans la plupart des cas, la limitation n’est pas le manque de fonds, mais bien l’insuffisance de ressources humaines possédant les connaissances adéquates, de même que le manque de temps, ceci affectant les PE encore plus que les ME.
Effet de mode : incitatifs ou pression selon la taille
Réglementation et incitatifs divers jouent aussi un rôle dans les perceptions qui influencent les orientations de gestion. Or un même contexte d’affaires est perçu différemment selon la taille de l’entreprise. Grandes entreprises et PME n’appréhendent pas les situations selon la même analyse et avec les mêmes ressources, cela est un fait. Chose moins connue, il existe aussi une distinction entre la vision des ME et des PE.
En optant pour les pratiques vertes, les ME britanniques peuvent en effet compter sur de réels incitatifs, comme un meilleur accès au financement. Ceci s’avère crucial pour encourager la gestion environnementale. Or même si les PE ont accès à ces incitatifs, leur petite taille fait qu’elles en tirent rarement avantage.
Petites et moyennes entreprises britanniques sont également convaincues que l’investissement dans les produits et procédés plus écologiques peuvent les aider à se démarquer. Mais seules les ME considèrent qu’elles parviendront ainsi à augmenter leur part de marché. Les petites organisations ne croient pas que la gestion environnementale leur procurera un avantage compétitif. Contrairement aux ME, les PE perçoivent donc la pression de la clientèle et des marchés de façon négative.
Quant à la réglementation, qui motive à se conformer mais rarement à innover, elle parvient aussi à inquiéter les PE qui la voit comme une entrave possible à leur croissance, justement parce que la conformité réclame le déploiement de ressources qu’elles n’ont pas.
Court ou long, voilà l’enjeu
Peu importe les motivations des dirigeants de PME, il demeure toujours difficile de justifier des investissements en environnement parce que les avantages à court terme n’apparaissent pas évidents selon les paramètres d’analyse généralement appliqués. Ceci est encore plus vrai pour les PE.
Tout comme dans la vie réelle où des gens jouent la carte de séduction, les PME veulent plaire aux institutions financières et à leurs clients en investissant là où ça compte immédiatement.
Avec une telle perception, investir dans des initiatives environnementales revient à porter un vêtement de randonnée technique, coûteux mais durable et confortable, conçu pour la performance à long terme. Plusieurs PME adoptent plutôt une tenue prêt-à-porter, au goût du jour et en respectant leurs moyens du moment.
Entre performance à court terme ou réussite à long terme, le choix de la gestion environnementale dépend sans doute des motivations, mais aussi et surtout des moyens disponibles, tant financiers qu’humains. Sur ce plan, les attitudes des petites organisations et moyennes entreprises présentent des nuances qui appellent le sur mesure ou, du moins, des gammes de mesures normalisées qui respectent la variété des PME.
Quelle couleur pour habiller votre stratégie ?
Avec cette perspective, les ME qui préfèrent le vert peuvent obtenir un succès stratégique certain. Pensons, au Québec, à la ME beauceronne Victor Innovatex qui depuis plus de 10 ans mise sur la production de tissus en polyester recyclable. Plaçant la réduction de l’empreinte environnementale de ses activités et de ses produits au cœur de sa stratégie, Victor Innovatex a vu ses parts de marché augmenter de façon constante dans le contexte de forte concurrence qui a décimé le secteur textile nord-américain.
Par ailleurs, si les PE semblent plus réactives et craintives, elles ne suivent pas toutes la mode et peuvent parfois en être les chefs de file. Au Québec, c’est le cas du magasin d’alimentation IGA Cookshire, petite entreprise de la région de l’Estrie employant moins de 50 personnes, et de son dirigeant, Gilles Denis. Entre autres initiatives environnementales, celui-ci a fait construire son supermarché en le dotant d’innovations pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, avec l’intention d’être un modèle dans le domaine. Pari gagné : son système de réfrigération au CO2 et de récupération de chaleur en fait une référence mondiale. L’IGA Cookshire inspire des entreprises de partout au Canada et d’aussi loin que la Norvège. Voilà une PE qui porte fièrement le vert !
Pratiques clés | @vigiepme #ddpme |
Selon la taille de la PME, la gestion environnementale est calibrée en fonction des ressources et des perceptions. |
Pour en savoir plus
Brammer, S., Hoejmose, S., & Marchant, K. (2011). Environmental management in SMEs in the UK: practices, pressures and perceived benefits. Business Strategy and the Environment, 21, 423–434.
- Centre for Business Organisations and Society : www.bath.ac.uk/cbos/
- Victor Innovatex : www.victor-innovatex.com/fr/
- Les initiatives de IGA Cookshire en Estrie (QC) : www.estrieplus.com/contenu-0404040431353537-12296.html
Pour d’autres pratiques ancrées dans l’action, consultez le site de Synapse, notre partenaire de l’Université du Québec à Chicoutimi
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Le site d’échange, de participation et de collaboration sur des thèmes de développement durable : http://synapse.uqac.ca |
À propos des auteurs
Makara MOM, Giselle KOUAMÉ-MIDA et Nicolas FELX sont étudiants au programme de MBA de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Anne-Marie Pichette, MBA, coordonne les activités de vulgarisation de Vigie-PME. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. |
Une initiative du Laboratoire de recherche sur le développement durable en contexte de PME – Institut de recherche sur les PME de l’UQTR
Direction : François Labelle ( Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ) – Rédaction en chef et coaching : Anne-Marie Pichette ( Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. )